Portraits de formateurs

Portrait #8 : Ségolène Trapletti

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Je suis Ségolène Trapletti, j’étais formatrice en BU depuis mon premier poste après avoir eu le concours en 2009, sur un poste de formation des doctorants.

 En fait, c’était mon projet ENSSIB et puis c’était quelque chose à monter aussi sur le poste au service des thèses puisque, à ce moment-là, on passait au dépôt des thèses électroniques et qu’il fallait former les doctorants à ses différents aspects. Donc, c’était mon rôle dans la bibliothèque de l’université de Cergy.

Après, dans tous les postes que j’ai eus -toujours à l’université de Cergy- il y avait une dimension formation : au début au service des thèses, ensuite je suis passée responsable d’équipe donc on avait formation à la recherche documentaire spécifique et après, à partir de 2017, j’étais responsable du service d’appui à la recherche. Aussi encore sur un petit site donc il y avait de plus en plus cette dimension formation qui prenait différentes formes.

Aujourd’hui je suis ingénieure pédagogique en transition ; j’étais à Réseau Canopé cette année parce que j’avais demandé un détachement et puis maintenant je suis en free-lance, en fait. Depuis 2 jours officiellement !  (Rires)

Au niveau de la formation, je suis passée sur la majeure partie qui était la formation BU et qui a amené à ma reconversion, et à côté de ça j’étais -je suis toujours- formatrice en Français Langue Etrangère (FLE), beaucoup plus ponctuellement, évidemment. Et donc voilà, comme au fur et à mesure dans mon métier, il y avait le côté conception de formations qui prenait de plus en plus de place, j’ai voulu me spécialiser plus spécifiquement dans ce métier-là.

Maintenant, en tant que formatrice indépendante, ce sont surtout des formations de Français langue étrangère ?

En fait, ingénieure pédagogique, je ne suis pas obligée d’animer la formation qui va avec mais c’est vrai que les frontières sont minces. Je l’ai vu à Réseau Canopé : ce n’était pas évident de d’être ingénieure pédagogique pour des gens dans le milieu de la formation et de la pédagogie mais, pour faire large, un ingénieur pédagogique ça peut travailler avec un artisan, avec un comptable, avec n’importe quel corps de métier pour l’aider à monter des formations pour son compte.

Après, du fait de mon parcours, mes pistes pour l’instant sont des agences qui travaillent avec des collectivités territoriales et des bibliothèques publiques plutôt que des BU, donc c’est assez marrant. Je peux continuer de travailler dans le FLE et animer parce que je suis aussi animatrice de FLE, je ne suis pas que conceptrice. Les fonctions sont complémentaires mais elles sont distinctes aussi.

Qu’est-ce que la formation pour vous ?

Pour moi, la formation c’est vraiment une idée de transmission au sens large (là, je ne parle pas de méthode). C’est vraiment une idée de faire passer quelque chose, d’aider à grandir, d’aider à l’apprentissage. Pourquoi je ne parle pas forcément de méthode ? Parce que quand je dis « transmission » c’est pas forcément être devant son auditoire et apporter des connaissances, des connaissances, etc. Ça peut concerner les connaissances, les pratiques, l’évolution des comportements, … mais il y a quand même cette idée de passage qui est importante pour moi.

Une technique que vous aimez bien utiliser ?

Quand j’ai commencé à préparer ma reconversion, ça m’a permis de prendre du recul par rapport à ce que je faisais déjà, il ne faut pas se leurrer. Et puis je l’ai encore vu cette année chez des professionnels qui adorent tel outil ou telle technique et qui vont absolument vouloir le coller dans absolument toutes les formations parce qu’ils trouvent ça génial. NON ! (Rires).

Effectivement il y a des techniques que j’aime bien mais j’aurais déjà tendance à dire qu’en fait, la technique est adaptée aux publics, à nos objectifs ; ça m’est arrivé d’avoir des publics -les doctorants- qui, dans certaines disciplines, aimaient beaucoup que ce soit très transmissif et ils préféraient apprendre ainsi donc il faut faire du Wooclap ou des choses comme ça, à ce moment-là.

Techniques, outils : je mets ça en parallèle. Moi ce qui m’intéressait beaucoup, ce que j’ai appris cette année à Réseau Canopé, c’est la posture plutôt de facilitateur donc toutes les méthodes d’intelligence collective que je trouvais extrêmement intéressantes mais pas évidentes du tout.

Une technique que j’aime beaucoup, que j’ai découverte à l’université de Cergy et que j’ai voulu appliquer par la suite, c’est l’apprentissage par problème : c’est toute une démarche de questionnement et d’intérêt pour la stratégie mise en place par les apprenants, même si ce sont des petits élèves, comment ils vont résoudre tel problème. On avait mis en place cela avec les masters 2 : comment ils allaient résoudre tels problèmes avec une publication qui avait été plagiée ; on n’attend pas des réponses forcément toutes faites mais c’est plutôt le cheminement qui va nous intéresser. C’est quelque chose qui peut être ludique déjà d’emblée et qui permet vraiment de s’approprier toutes les ressources qu’on a pu apporter pendant le cours ou les ressources propres des personnes. Cela favorise aussi la collaboration donc je trouve ça extrêmement riche comme technique quand c’est possible de la mettre en place, évidemment.

Jusqu’ici vous étiez surtout formatrice maintenant vous allez accompagner des gens qui doivent donner des formations. Est-ce que la démarche est différente ? Est-ce que votre manière de former à former est différente ?

Oui, j’imagine. Sachant que je ne l’ai pas vraiment totalement fait dans la dimension conseil. Je l’ai fait un petit peu avec une collègue cette année.

Effectivement, c’est différent parce qu’il faut vraiment comprendre ce que la personne en face veut faire, quels sont ses objectifs à elle, ce qu’elle veut transmettre, à qui elle veut s’adresser et ne pas plaquer nos représentations mais venir vraiment en appui. Donc c’est différent de quand on conçoit parce que c’est ce que je faisais à la BU, très clairement.  Surtout après le covid et toute l’hybridation qui en a découlé, on faisait aussi un boulot d’ingénieur pédagogique mais c’était une continuité : on concevait comme on avait toujours fait mais de façon plus rationnelle et on animait, donc il y avait un continuum. Là, il peut ne pas y avoir de continuum effectivement, ce qui ne me pose pas spécialement de problème mais ça demande de comprendre ce que veut l’autre et d’être vraiment dans l’écoute.

Le(s) public(s) préféré(s) ?

J’ai eu l’occasion de rencontrer un public surtout étudiant mais pas que car, en fait, dans ma carrière, je les ai tous eus jusqu’aux doctorants.  

J’ai eu des BUT, l’ancien DUT 1ere année en Génie civil, qui sont un public qu’on pourrait plus rapprocher de lycéens, on va dire, dans les comportements. J’ai eu aussi des lycéens, des enseignants chercheurs -c’est encore un peu particulier- et puis, si on prend d’autres branches, des adultes et cette année des profs… enfin ils sont tous hyper différents avec des attentes différentes et des façons de faire différentes.

 Je ne peux pas dire que j’en ai préféré certains par rapport aux autres. En général, il y en a avec lesquels il y a plus de facilités : si on a un public motivé, intéressé, qui vient de façon volontaire, évidemment c’est plus facile de proposer la formation qu’un public contraint qui n’en a rien à faire d’être là ; ça, c’est beaucoup plus compliqué mais, en même temps, c’est plus gratifiant.

Je repense aux BUT 1ere année, on leur a fait faire une découverte de la bibliothèque en mode Cluedo géant qui était très ludique et ça leur a plu donc ils venaient en trainant les pieds et puis ils étaient super contents : ils ont retenu plein de choses et après nos rapports changeaient, leur rapport avec la bibliothèque changeait le reste de l’année. Donc, je ne peux pas dire que j’ai un public préféré, j’ai peut-être un public plus facile d’emblée, plus acquis mais, au final, non je n’ai pas vraiment de public préféré.

Vous avez fait allusion à l’hybridation après la crise Covid. Comment s’est fait le passage à la formation à distance ?

Je pense comme pour tout le monde !

Je venais d’arriver sur le petit site de Cergy où j’avais pris la responsabilité en novembre 2019 et on se retrouve en confinement en mars. C’était en plein milieu ou au tout début -je ne me rappelle plus- d’une formation en plusieurs modules qu’on venait dispenser en présentiel à des masters. C’était la 1ere année qu’on faisait ça en plus, donc voilà, c’est génial… Donc on a fait comme on a pu très clairement avec la connexion qu’on avait chez nous : on a eu Zoom et – on était deux, moi et une fille de mon équipe – et en fait on avait des pdf ; donc on envoyait des pdf comme tout le monde et on essayait quand même de proposer des activités entre chaque séance mais bon, on voyait bien que c’était fait dans l’urgence.

Ce n’était pas super satisfaisant et les étudiants faisaient des classes virtuelles toute la journée, donc ce n’était pas le top mais c’était dans le contexte, on ne pouvait pas trop faire autrement non plus et comme ce cours était amené à se dupliquer chaque année pour le même public de master, à la rentrée d’après on s’est dit : non, ce n’est pas possible, on ne va pas refaire ça à chaque fois, surtout que la situation n’était pas encore stabilisée au niveau sanitaire. C’est là qu’on a travaillé plus étroitement avec le service des ingénieurs pédagogiques à l’université qu’on connaissait déjà et qu’on sollicitait de temps en temps. On leur on a dit : on a vraiment besoin de votre aide parce qu’il faut qu’on propose autre chose et on ne sait pas trop comment faire.  Et donc on a eu une personne avec nous, elle nous a expliqué comment hybrider, comment analyser notre public et voir ce qu’on pouvait passer à distance, si c’était pertinent ou pas. L’année suivant on a fait ça en partie sur Moodle et en partie toujours sur des séances présentielles donc on a un peu dédoublé les choses avec plutôt tout ce qui était connaissances, acquisitions de connaissances en ligne et on restait sur des pédagogiques actives quand on était en présentiel.

 Les années qui ont suivi, on s’était approprié les choses avec la collègue donc on remaniait et on revoyait nos modules selon les retours qui avaient été faits. C’est là qu’on a pu introduire l’apprentissage par problème sur une des dernières séances par exemple, donc c’était vraiment à partir de ce cours qu’on a travaillé et puis, là, je décris le processus pour ce cours et ses différents modules mais évidemment ça a essaimé dans les autres formations qu’on faisait à côté ; les pratiques qu’on avait acquises, on les a essaimées aussi. 

Il y avait déjà des choses qui étaient en germe. C’est en 2017 que j’ai pris la direction du service d’appui à la recherche où  la question était de savoir comment on touchait les doctorants qui n’étaient jamais là et les enseignants chercheurs qui l’étaient encore moins et les politiques de l’université qui étaient moyennement intéressés par la science ouverte -tout en sentant qu’il fallait quand même s’y mettre parce que ça bougeait beaucoup au niveau ministériel-… donc on sentait qu’on était en période de transition et qu’il fallait qu’on propose des choses un peu plus pro-actives, un peu différentes que ce soit au niveau de la formation, de l’information, de l’accompagnement donc on tentait beaucoup de choses. On a tenté et puis les collègues continuent à faire des choses plus ludiques dont l’Open access week par exemple ou proposer des séminaires -ce qu’on ne faisait pas avant-, travailler étroitement avec les labos… donc voilà, là c’est pour ma chapelle mais dans les autres services de la BU il y avait aussi des choses comme ça, qui commençaient à se passer.

Mais clairement je pense que, notamment pour tout ce qui est digital learning, ça s’est passé au moment du Covid sinon je pense qu’on y serait encore, à se demander comment on se connecte à Moodle. Je crois qu’au niveau technique, c’est à ce moment-là que ça s’est passé.

Le meilleur souvenir et le pire souvenir de formation ?

Mon meilleur… En Français langue étrangère, jusqu’avant le covid, pendant quelques mois pour l’institut, j’ai donné des cours : c’étaient des jeunes femmes philippines qui travaillaient en France et souvent en FLE on a quand même des gens pour lesquels les cours de Français et puis la certification qui suit c’est vraiment un enjeu, c’est limite un enjeu vital parce que leur titre de séjour va en dépendre ou ce genre de choses. Elles étaient en préparation pour le DELF A2 ce qui devait leur ouvrir des portes administratives après et donc les cours se sont très bien passés. C’était un peu intense (c’était pendant les vacances de Noël en plus), elles n’avaient pas du tout confiance en elles pour certaines mais elles ont toutes eu le DELF, donc j’étais super contente pour elles et en plus c’était un public vraiment super sympa et qui avait énormément de gratitude, ce qu’on n’a pas chez les étudiants (bon on n’attend pas forcément ça) mais je pense que c’est un rapport à l’enseignant et au cours en général qui était un peu différent. Donc il y avait aussi toute cette gratitude-là qui est venue clôturer un peu le cours.

Le pire… il n’y a pas vraiment de pire. C’était plutôt au tout début quand je formais les doctorants, j’étais jeune, j’avais 25 ans, il y en avait certains qui étaient bien plus âgés, surtout dans certaines disciplines et, mine de rien, c’était dans les années 2010 et il y avait encore des gens, quel que soit leur parcours, qui n’étaient pas encore forcément à l’aise avec l’outil informatique. Donc ça, c’était parfois compliqué à gérer surtout quand c’était des gens avec une personnalité pas très facile et puis j’ai eu aussi parmi ce public-là quelques personnes, vraiment à la marge, qui venaient, qui n’en avaient rien à faire mais qui avaient besoin de valider des ECTS et qui venaient clairement 10 minutes avant la fin du cours en ordonnant qu’on leur valide parce que ce n’était pas un cours intéressant pour eux  mais il fallait une validation,  donc il fallait qu’on signe et on était là pour ça. Bon, ça ne m’est pas arrivé 15 fois et puis ça s’est réglé mais c’est vrai que ce genre d’attitude…

Alors c’est assez drôle, maintenant je fais le parallèle, parce qu’au FLE il y avait vraiment la question de la posture de l’enseignant et comme il était vu ; là, c’est l’inverse en fait, être vraiment vu comme prestataire de service dans le sens le plus péjoratif qu’on peut donner à ça et c’est des gens qui se comportaient pareil avec les secrétaires doctorales. Mais de là à dire que c’était pire, non… C’était juste désagréable.

Quelle(s) formation(s) a (ou ont) été cruciale(s) dans la construction de la formatrice que vous êtes ?

Toutes ! les toutes premières déjà très clairement, je me rappelle dans ma promo Enssib, on était 25/30 et on était beaucoup à être sur des postes de formateurs de BU qui étaient quelque chose qui émergeait à ce moment-là dans les fiches de poste, pas comme une fonction annexe mais qui devenait quelque chose d’important. J’avais bien compris que j’allais devoir y passer et c’est quelque chose : moi je suis assez introvertie, timide etc., c’était très très très difficile. Les années de fac que j’ai eu juste avant ça, quand je devais présenter un exposé ou un dossier, c’était extrêmement difficile, j’en étais malade devant le groupe. Même un groupe de 5 ! Donc ça a dû au moins me forcer petit à petit à prendre de l’assurance, à animer des formations, à finir par y trouver du plaisir donc c’était super important…

Je  montais un parcours de formation en lien avec le dépôt électronique de la thèse qui était déjà amorcé mais qu’il fallait vraiment finaliser avec les partenaires donc ça asseyait un petit peu l’expertise de la BU dans ce service-là avec l’ABES. Je pense que vraiment ce cycle de formation, au niveau personnel, au niveau professionnel et aussi dans la posture en général c’était super important mais sinon il y a eu ce dont j’ai parlé tout à l’heure : le fameux master de 2020 qui a été un tournant sur plein de choses : le digital learning, la conception de formations en général. S’il faut en citer deux, je dirais vraiment celles-là.

En tant que formatrice, quel personnage de fiction seriez-vous ?

Là, je me pose plus en tant qu’ingénieure pédagogique en fait. Ça rejoint un peu ce que je disais tout à l’heure : il faut vraiment être un enquêteur donc je vais dire Sherlock Holmes, il faut être Columbo, surtout moi qui aime bien poser des questions, qui ai toujours une petite question que j’ai oubliée. Il faut comprendre, il faut aussi chercher à interpréter ce qu’on nous dit ou ce qu’on ne nous dit pas -pas que j’y arrive toujours mais en tout cas, pour moi, c’est vraiment ça- et puis même quand on est en formation, être attentif à ce qu’il se passe, être attentif aux signes, faire s’exprimer les participants d’une façon ou d’une autre. J’ai un petit Playmobil : j’ai dû l’année dernière acheter d’occasion des petits Playmobils pour faire une animation sur l’espace à Canopé et la personne vendait une figure de Sherlock Holmes et donc je l’ai achetée parce qu’elle me parlait en fait. Je l’ai gardée sur mon bureau pendant toute l’année. Là, il est sur une étagère. Donc, il y a quand même ce côté-là. Et puis ça rejoint aussi un goût personnel parce que j’adore tout ce qui est énigme, escape games, les jeux de piste…

D’ailleurs, escape game, jeux de piste, énigmes : est-ce que ce sont des choses que vous intégrez aux formations ?

Ah oui ! Il faut que ce soit pertinent mais ça marche très très bien.

On l’a fait pour les BUT. Ce n’était pas moi à l’initiative, c’était une collègue qui avait déjà mis ça sur le tapis avant que j’arrive mais après, on l’a mis en place. Ça, ça marchait très très bien. On en avait fait un aussi pour l’open access week avec des collègues et une ingénieure pédagogique nous avait un peu aidées là-dessus. Là cette année à Canopée, à un moment j’ai eu un peu les mains libres, on fait ça avec une collègue et on a organisé un Cluedo mais bon, pour moi c’est la même… ça rejoint tout ça. On a fait ça pour la prise de fonction de deux nouvelles collègues. En septembre on leur a fait un Cluedo géant en faisant participer toute l’équipe et donc, oui, c’est quelque chose que j’aime beaucoup faire.

Le lieu de formation de vos rêves ?

Il faudrait qu’il soit modulable, ça ce serait cool. Mais sinon, on se débrouille. Qu’il soit spacieux et surtout… ce qu’on voit dans les bâtiments qui sont construits les plus récemment : en général c’est bien insonorisé, il y a beaucoup de connectique un peu partout, c’est assez clair. Il peut y avoir différents espaces : un pour la pause, un façon tableau blanc interactif par exemple, et un où on peut se mettre plus en groupe, où on peut s’isoler comme en BU, on peut moduler les espaces et puis avoir des espaces différenciés pour les pratiques et confortables, avec de la connectique. Et des toilettes propres… Et des toilettes, tout court !

Si vous aviez des moyens illimités que mettriez-vous en place ?

Ce que je mettrais en place dans les formations, ce n’est pas super sexy mais je trouve que ça manque, c’est que bien souvent on fait des formations qui sont un « one shot » et c’est parfois difficile de suivre et de mesurer vraiment l’atteinte des objectifs. Parce qu’au final, on arrive à mesurer si les gens arrivent à chercher dans le catalogue, sur tel exercice on va arriver à voir la mise en application… mais qu’est-ce qu’il en reste dans 6 mois, par exemple ?

De temps en temps, on avait le cas à la BU quand on était sollicités pour suivre un groupe et puis voir ses travaux finaux mais ça restait quand même rare… donc ce serait plutôt de voir vraiment un suivi sur le long terme et de voir si les actions ont été suivies des faits. C’est pour ça que j’aimais bien les formations que j’ai pu suivre, par exemple au management, qui étaient divisées en trois fois deux jours ou deux fois deux jours, avec un mois ou deux entre chaque. Enfin, je pense que ça aurait mérité d’avoir encore une session l’année d’après mais déjà ça permettait de voir ce qui était compris, ce qui manquait, etc. donc vraiment le suivi et l’évaluation aussi.

Pour les formations en ligne, c’est la fonction tutorale aussi qui m’intéresse. Je ne suis pas une grande spécialiste technique mais c’est quelque chose sur lequel je me documente de plus en plus et je m’y intéresse : comment on gère des cohortes parfois, sans même penser aux Moocs, il suffit de penser à des licences qui vont être une centaine et dont on doit faire une partie de la formation en ligne, comment on gère et qui gère le fait que la personne se connecte pas, le fait que la personne se démotive, qu’elle ne réponde pas aux activités  ou qu’elle n’a pas compris quelque chose . Donc voilà, et e n’’est pas forcément le formateur en présentiel qui va le faire, ça peut aussi être un moniteur étudiant ou la secrétaire pédagogique ou autre, mais cette fonction de suivi tutoral avec tous ces aspects c’est aussi quelque chose sur lequel je travaillerais bien.

Qu’est-ce que vous faites maintenant que vous ne faisiez pas au début ?

J’essaie de lâcher un peu prise parce que quand on veut mettre en place des pédagogies actives, et qu’on s’intéresse à tout ce qui est facilitation, il faut accepter de changer sa posture, de ne pas être celui qui sait, qui sait ce qu’il va apporter et qui essaie de le faire rentrer dans le crâne. Ça part d’une bonne intention, on veut que les gens s’intéressent à telle chose et repartent avec tel ou tel bagage mais au fur et à mesure on comprend que ce n’est pas parce que on aura débité des choses pendant deux heures qu’elles vont être copiées dans le cerveau pour autant. Donc, il y a quand même ce lâcher prise quand on veut changer de posture et faire autrement et se mettre un peu en retrait.

J’y arrive mieux, j’y travaille en tout cas, et puis au niveau de la confiance par rapport aux nouvelles formations dont on parlait et aussi tout ce qui est imprévu, par exemple, quelque chose qui ne marche pas et bien … ça ne m’inquiète plus ! Ça va me saouler un peu mais ça ne m’inquiète plus, je sais qu’il a toujours un plan B et puis je les prépare mais je sais qu’on peut faire toujours autrement.  

Quel(s) conseil(s) donneriez-vous à la formatrice débutante que vous étiez ?

Alors ça rejoint aussi en partie ce qu’on disait avant… Je partirais sur… ce qui, bizarrement, n’est pas un truc qu’on fait quand on est débutant c’est-à-dire vraiment se questionner sur les objectifs : les nôtres et éventuellement ceux du public quand il veut bien dire quelque chose, du moins celui qui a passé la commande. Ses objectifs et puis son public, parce que je me rappelle les premières formations, on va nous dire  « il faut former les étudiants  de licence  aux bases de données en science humaines ».  Bon bah, voilà : on va sortir les bases de données en sciences humaines et on va les présenter et peu importe qui il y a en face très clairement, donc ce travers, je pense que j’essaierais de l’éviter. Je lui dirais d’essayer de l’éviter, au moins essayer de se poser quelques questions alors, rien qu’en questionnant les gens au début : est-ce qu’ils connaissant déjà des choses, par exemple (si la réponse est non, c’est facile) et de vraiment essayer de diviser tout ça, surtout les objectifs derrière les compétences  visées. Parce que c’est comme ça qu’on se trouve embêtés à vouloir partir dans l’exploration de Cairn alors que les gens ne savent même pas comment se connecter à leur compte. Donc voilà, vraiment hiérarchiser les objectifs, voir jusqu’où vraiment on veut aller parce que les gens ne deviendront pas spécialistes de Cairn et de sa recherche et puis de la recherche documentaire derrière en 1 heure, ce n’est pas possible. Mais qu’est-ce qu’on peut faire en une heure ? Je me l’appliquerais même maintenant ce conseil parce que c’est vrai qu’on a tendance à vouloir aller un peu trop vite. Ne pas s’attarder d’abord sur les contenus ou QUE sur les contenus mais vraiment voir tout ça en regard des autres éléments que j’ai dits parce que tous les contenus, pour nous ils sont peut-être intéressants, mais ils ne sont pas intéressants pour tout le monde. D’ailleurs, je ne sais pas si vous vous êtes déjà fait cette remarque, mais quand on montre une base de données, on va ne montrer une deuxième, une troisième et on se dit mais en fait c’est la même chose.

Il y a peut-être d’autres choses à montrer et tout ce qui est tester des outils, des techniques des nouvelles choses qu’on voudrait mettre en place et qu’on trouve génial : surtout ne pas céder à l’effet waouh mais bien prendre le temps entre deux formations et pas quand la formation est prévue dans deux jours ; de prendre le temps de tester,  de voir si ça pourrait être intéressant et s’intégrer dans de futures actions et ne pas partir tout de suite dans quelque chose de totalement inconnu. Même s’il y a quelque chose qui se passe mal, ça ne se passera pas mal.

Une dernière chose à rajouter ?

Je trouve que la formation évolue beaucoup… en BU, je me suis un peu éloignée (pour l’instant, en tout cas, mais je ne suis qu’en dispo peut être que I’ll be back, un jour).  Ça évolue énormément comme beaucoup de compétences en BU et je trouve qu’il y a encore des choses qu’on ne soupçonne pas, des modes de formations qui vont se développer, on voit déjà des services de formation ou des responsables de formation, des gens dont c’est le profil à 90 %… Donc je pense que les gens vont vraiment se professionnaliser. On n’est plus déjà dans la recherche documentaire, montrer comment on se sert d’une base ou montrer où se trouvent les cotes dans les rayons.

On va vers d’autres compétences, d’autres dimensions. On voit déjà que ça évolue. Peut-être qu’on fusionnera pour d’autres services, avec les services pédagogiques des universités je ne sais pas. Bon, c’est toujours une question de politique, de personnes, d’organigrammes et de vice-présidents… c’est comme la recherche, en fait : comme on se met avec les directions de labo, la direction de la recherche, jusqu’où on intervient…, donc les périmètres deviennent beaucoup plus mouvants sur plein de choses. Parce que la documentation au sens où on l’entendait il y a 20 ans, ce n’est plus du tout la même et ce ne sont plus du tout les mêmes enjeux. Maintenant la documentation ce n’est plus juste chercher telle référence que vous avez ou faire une bibliographie.

Il y a beaucoup d’autres dimensions qui rentrent en ligne de compte et la formation c’est un peu un terme fourre-tout finalement. Où est-ce que ça commence la formation ? Est-ce que c’est de l’accompagnement, ou est-ce que c’est du tutorat ou est-ce que c’est de l’information ? Il y a ça aussi Voilà… (rires)

(Entretien réalisé le 3 novembre 2023)

Anne Guichard-Cazenave

Responsable du service de Formation des Usagers au SCD de l'université Paris I Panthéon-Sorbonne. Formations, rock'n roll & biquettes

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