Portrait #5 : Nathalie Bailly
2 minutes pour vous présenter
Je suis Nathalie Bailly, Je travaille aujourd’hui à la Contemporaine. Ça va bientôt faire 21 ans que je suis en bibliothèque.
Je forme depuis 2012, depuis que j’ai eu le concours de Bibas et que je suis arrivée à la BU Santé au pôle Pharmacie. J’ai commencé à former des étudiants en 5e et 6e années qui en étaient à la rédaction de leurs thèses donc on les accompagnait soit en cursus ou hors-cursus. Hors-cursus on voyait tout ce qui était base de données, outil de gestion de bibliographie Zotero et puis en cursus on leur présentait toutes les ressources, tout le couteau suisse que peut être une bibliothèque ; je participais aussi à tout ce qui était « rendez-vous avec un bibliothécaire » pour mettre les étudiants sur les rails. Donc voilà comment a commencé l’aventure de formation dont j’avais très très envie depuis très longtemps mais on me disait tout le temps « mais non, tu n’a pas encore le niveau, tu n’as pas encore la bonne catégorie ».
Parallèlement, j’ai continué à me former pour les concours et donc j’ai un peu usé mes pantalons sur les différents bancs de MediaLille, Mediadix et autre (puisqu’avant tout ça j’étais à Lille) et j’ai aussi usé les bancs de CF2i qui a fini par me proposer d’être tutrice-formatrice chez eux et donc du coup, voilà, je forme aussi des futurs collègues.
A la Contemporaine, en interne je forme aussi des collègues pour tout ce qui est prise en main des outils et puis on forme quelques usagers extérieurs, notamment des lycéens de la filière Sciences Po qui commencent à prendre leurs marques et à voir qu’il y a d’autres supports que les livres, notamment les périodiques, les affiches et tout ce qui est propagande.
Qu’est-ce que la formation pour vous ?
C’est quelque chose de génial. C’est juste une passion, c’est être là et se dire que nous, on est là pour transmettre des documents mais c’est bien aussi de transmettre des connaissances, des compétences et c’est vraiment de la transmission exclusivement. C’est une richesse qui est double : on transmet, on donne aux autres mais on reçoit aussi soi-même et on continue à se former. Si je devais donner un qualificatif pour la formation, ce serait « richesse ».
Une technique que vous aimez bien utiliser ?
Je vais reprendre une formule que l’on m’a attribuée c’est que j’ai des « qualités certaines » c’est-à-dire qu’en début de séance, je trouve qu’on « ressent » le groupe et on sait si on va devoir y aller de manière classique, traditionnelle ou si on va pouvoir un peu dévier, mettre un peu d’humour, un peu de détente. Ma méthode préférée c’est le feeling.
Le(s) public(s) préféré(s) ?
Tous. Lycéens, étudiants et professionnels. Ils ont tellement à nous apprendre. On découvre à chaque fois parce qu’il faut préparer en amont et donc « qu’est-ce qu’on va leur dire ? comment on va aborder les thématiques, les objectifs et tout ça ? » mais aussi parce que c’est au feeling et moi je ne sais pas ce qu’ils vont m’apporter. On est en perpétuel apprentissage. Donc voilà, je prends tout ce qu’il y a à prendre chez tout le monde, je donne tout ce que je peux donner à tous.
Comment s’est fait le passage à la formation à distance, ces deux dernières années ?
C’était quelque chose de nouveau et ça s’est fait vraiment tout en douceur et vraiment avec l’accompagnement de ceux qui avaient déjà fait des choses en visio, que ce soient des réunions ou des formations,. C’était vraiment quelque chose de plaisant parce que depuis longtemps, dans un coin de ma tête, le e-learning traine. Donc je me disais voilà, c’est l’occas’ de tester, d’évaluer et de voir si vraiment l’idée que je m’en fais est la bonne et si c’est un format qui peut me convenir. L’action en elle-même, ça s’est très bien passé.
C’est très intéressant parce que le présentiel c’est bien, c’est bien d’être tous au même endroit, de pouvoir échanger et c’est plus facile ; néanmoins le distanciel ça permet de toucher plus de personnes et de mixer aussi, je le vois quand on fait des classes virtuelles chez CF2iD : ça couvre tous les concours de magasinier à conservateur et même en territorial, on peut faire une classe virtuelle où on a tous les niveaux et ça permet aux gens de se croiser même si ce n’est pas en physique et de se dire « tiens, moi aussi j’ai le même type de réflexion ». Je trouve que ça modifie les pratiques d’apprentissage et c’est assez positif, à mon sens.
Le meilleur souvenir et le pire souvenir de formation ?
On va commencer par le pire ! Le pire c’est de se retrouver dans une salle où il n’y a plus d’accès internet, pas de wi-fi, rien, zéro support et les étudiants qui ne sont pas forcément disposés à écouter pendant 2 heures. Là il faut user et abuser de sources et de ressources et de tout l’humour du monde pour pouvoir avoir leur attention et faire en sorte qu’ils repartent tout de même avec du contenu. Donc le contenant est certes très différent mais c’est vrai que c’était la 1ere ou 2e formation que je faisais, c’était vraiment au tout début et je me suis dit « houlà, ça c’est un bon apprentissage donc je vais le faire du mieux que je le peux ». Mais c’est vrai que je suis ressortie de là, j’étais un peu fatiguée.
Meilleur souvenir, je dirais que c’est la formation que j’ai faite là en début d’année pour des futurs collègues qui sont en reconversion professionnelle et de se dire « on va vous accueillir dans une famille dans un milieu que l’on affectionne particulièrement, c’est-à-dire les bibliothèques et, en 20 ans, tout ce qu’on a eu la gentillesse de me donner, de me transmettre, c’est à mon tour maintenant de vous le donner et de vous le transmettre, c’est cadeau.
Quelle(s) formation(s) a (ou ont) été cruciale(s) dans la construction du formateur que vous êtes ?
Les toutes premières que j’ai faites en Pharma, parce que ça m’a permis de me décomplexer. Parce qu’effectivement on se trouve face à des étudiants qui sont en 5e ou 6e année et on se dit voilà ils ont déjà un certain niveau et finalement ils sont très en attente, très en demande et du coup il n’y avait pas de pression particulière à se mettre et c’était important de comprendre ça justement pour être disponible et être vraiment dans le partage et dans la transmission.
En tant que formatrice, quel personnage de fiction seriez-vous ?
Je serais Yoda parce que c’est la force tranquille. Et puis parce qu’il a un certain humour, un certain langage, une identité. C’est ça que j’aime bien être aussi, je suis comme tout le monde mais j’aime bien ne pas être comme tout le monde. J’aime bien faire à ma sauce.
Et donc les personnes en formation sont des padawans ?
Oui !
Le lieu de formation de vos rêves ?
Il pourrait y en avoir plusieurs. Un truc assez cocooning, on est tous sur des poufs bien à l’aise et bien détendus en chaussettes. Personne ne se prend la tête. Un espace très reposant peu importe où mais pas un truc avec du jugement « toi tu sais faire ça, mais tu ne sais pas faire ça, et moi je sais pas faire ça » donc un endroit où on peut être en détente totale. Un espace un peu comme on propose maintenant dans certains 3e lieux ou 4e lieux . Un espace cocooning, quoi
Si vous aviez des moyens illimités que mettriez-vous en place ?
J’enverrais tout le monde en formation ! Pour le coup je me transformerais en coach, en coach-formation. Allez faire de la formation ! Faites de la formation !
Du coup est-ce que je le ferais au feeling ou je demanderais une formation pour coacher ? On ferme la bibliothèque et tout le monde en formation, les mêmes formations pour que tous les futurs formateurs soient au même niveau.
Les étudiants, c’est comme les collègues, j’ai envie de les materner un petit peu. Leur faire tous leurs supports de formation et s’ils ont un souci, ils m’appellent, on s’en occupe.
Voilà, avec des moyens illimités logistiques, financiers ce serait que tout le monde soit formé et tout le monde ait le même niveau d’information pour pouvoir parler le même langage dans un monde idéal.
Qu’est-ce que vous faites maintenant que vous ne faisiez pas au début ?
Je ne stresse plus. Je suis très détendue. Au début j’avais cette forme de pression, de stress de me dire qu’ils ont déjà un certain niveau donc il faut être soi-même à ce niveau-là et pas du tout parce qu’effectivement ils sont en situation d’apprenants, ils sont donc en attente, en demande, donc il n’y a pas cette barrière de niveau. Donc je suis complètement décomplexée.
J’ai réussi à me faire une auto-évaluation : sans avoir aucune prétention, on se rend compte qu’en une vingtaine d’années on a quand même acquis un savoir-être, un savoir-faire et que du coup ça a instillé sans s’en rendre compte et peut être parce que c’était les bonnes personnes aussi, j’ai fait de très belles rencontres donc elles me permettent d’être moi à mon tour une belle rencontre, une belle personne pour les apprenants.
Quel(s) conseil(s) donneriez-vous à la formatrice débutante que vous étiez ?
Fais-le avec ton énergie, avec ton bagage et ne t’inquiète pas tout se passera bien. Fais de ton mieux et tout se passera bien.
Un dernier mot ?
Jamais les formations ne s’arrêtent. Jamais, jamais, jamais.
C’est un réel plaisir de faire ça. Je sais qu’il y a des collègues qui ne sont pas forcément dans cette optique-là, qui n’ont pas forcément envie, qui ne se sentent pas forcément à l’aise ou autre mais c’est un réel besoin de le faire.
Quand j’étais en Pharma, les 5e et 6e années me demandaient « Mais Madame pourquoi on ne l’a pas dit avant ? pourquoi on ne nous a pas dit que la bibliothèque avait telle ressource ? ». Il faudrait un petit plus de com’ auprès des enseignants et peut être faire un petit peu plus la danse du formateur en début d’année en amphi, dans les réunions de rentrée, je ne sais pas. Oui, faire un petit peu plus de com’ mais après ça dépend des lieux, des équipes… Est-ce qu’on parle le même langage avec les enseignants ? Est-ce qu’on n’arrive pas un peu trop tôt ? Des fois on arrive un peu trop tard dans les cursus. Trouver le bon dosage. Si vraiment il nous manquait quelque chose ce serait ça.
(Entretien réalisé le 25 juin 2022)