Portrait #3 : Nicolas Guignard
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Je m’appelle Nicolas Guignard, je suis formateur bibliothécaire au CNAM depuis janvier 2019. J’ai rejoint l’équipe des formateurs à la fin de mes études de bibliothécaire. J’ai été avant cela enseignant dans le secondaire, c’est donc dans la continuité du parcours effectué dans l’Education nationale. Je forme l’ensemble des auditeurs du Cnam, soit des étudiants, soit des personnes en reconversion professionnelle qui suivent des enseignements au Conservatoire, plus âgés que des étudiants de l’université. Les auditeurs n’ont pas été à l’université depuis longtemps ou n’y sont jamais allés.
Qu’est-ce que la formation pour vous ?
C’est quelque chose de très positif dans mon travail en général, c’est une mission importante d’aider au mieux ces étudiants qui sont en reprise d’études ; de les aider dans leur parcours qui peut être compliqué, du fait qu’ils travaillent en même temps le plus souvent.
Une technique que vous aimez bien utiliser ?
J’aime bien partir de ce que les étudiants connaissent. Souvent les étudiants plus jeunes ont moins d’appréhension à parler de leurs pratiques, alors que des personnes plus âgées auront parfois plus de mal à s’ouvrir ou auront peur de dire des bêtises. Je considère, en tant que formateur, que je n’ai pas à dire qu’il y ait de bon ou de mauvais usage. J’aime bien partir de leurs pratiques des outils informatiques, ou de leurs techniques de recherche d’informations, pour pouvoir ensuite construire quelque chose avec ce qu’ils savent déjà. Et ça me semble important. Par exemple, si quelqu’un me dit qu’il utilise Tweeter pour s’informer de ce qui se passe dans le monde, je n’ai pas à dire que tweeter, c’est mal et que Le Monde, c’est mieux. Mon but est de les amener vers des outils plus poussés ou qu’ils ne connaissent pas.
Quel(s) public(s) préférez-vous et pourquoi ?
Il y a des publics qui ont des besoins, qui sont parfois en difficulté avec les outils numériques, mais aussi des étudiants qu’on oblige à venir et qui ne sont pas du tout en demande de formations à la bibliothèque. Une personne, qu’elle soit en licence ou en master, qui a besoin de faire des recherches ponctuelles pour un dossier ou pour un mémoire, sera plus volontaire. Lorsque les étudiants sont accompagnés par un enseignant, c’est beaucoup plus fluide, parce ce que l’enseignant peut se glisser dans ce que le formateur est en train de dire, et le formateur peut se glisser dans ce que l’enseignant veut montrer à ses étudiants : chacun nourrit le propos de l’autre. Et là, les étudiants voient vraiment l’intérêt de ce que l’on fait. Alors que si on ne leur indique pas la raison pour laquelle ils doivent venir à la bibliothèque après 7 heures de travail, étant donné qu’ils travaillent toute la journée, c’est compliqué pour eux de s’investir dans les formations.
Comment s’est fait le passage à la formation à distance ?
Je pense que pour tous ceux qui ont donné des formations ou des enseignements, ça a été compliqué. Parce qu’on n’avait absolument pas la maîtrise de l’outil, on n’avait même pas les outils qui sont prévus à cet effet, les plateformes de cours à distance. Il a fallu faire avec les moyens du bord pour garantir la continuité du service public. Et il a fallu le faire dans une forme d’urgence et dans un environnement qui était plutôt instable. Comment passer d’un enseignement présentiel à un enseignement à distance, alors que les outils qu’on avait mis en place ou sur lesquels on avait travaillé étaient faits pour être utilisés sur place ? Je pense qu’on est toujours à la recherche- pas de la formule miracle – mais de comment intéresser les étudiants de loin. La formation à distance a permis de toucher un plus grand nombre d’étudiants, mais ça creuse un écart entre eux. Par exemple, à distance, c’est extrêmement compliqué d’intéresser ceux qui ne souhaitent pas forcément suivre les formations, parce qu’on ne peut pas les obliger à allumer leur caméra. A l’inverse, le lien se fait de manière naturelle avec ceux qui sont motivés.
Le meilleur et le pire souvenir de formation ?
Le meilleur, c’est quand on est plusieurs finalement, soit avec un enseignant, soit avec un autre formateur ou formatrice, quand les discours se nourrissent les uns les autres. Les étudiants disent des choses qui vont nourrir la réflexion qu’on a sur notre pratique et sur le contenu de notre formation. Et ça, c’est un moment de joie, puisqu’il y a une vraie émulation intellectuelle qui se fait entre les étudiants et nous.
Le pire, c’est une expérience quand j’étais enseignant, mais ça peut arriver à l’université. On vous donne une salle pour faire une formation. On installe la salle, les ordinateurs, et quinze minutes ou dix minutes avant, on vous dit : « Non, vous serez dans une autre salle ». Déjà, c’est compliqué, il faut récupérer les élèves, changer de salle… 40 minutes après, on vous dit : « Non, désolé, vous devez partir parce que j’ai cours dans cette salle ». On est obligé d’aller voir un surveillant pour obtenir une nouvelle salle, mais au final, on se retrouve dans un préfabriqué, dans la cour, avec une perte de presque la moitié des élèves. Autant dire que là, c’est raté de chez raté. Les élèves ne sont pas du tout en position d’apprendre, c’est impossible de rattraper le cours.
Quelle formation a été cruciale pour construire le formateur que vous êtes ?
Ce n’est pas vraiment une formation. Quand j’étais en deuxième année d’enseignement au collège, j’avais des séances de travail avec ma tutrice le jeudi de 13 heures à 16 heures, mais ça se prolongeait souvent jusqu’à 18 h. Elle m’a appris à toujours remettre sur le métier ce que l’on fait. C’est possible de construire une séance avec un certain nombre d’objectifs, et finalement les exercices que l’on a préparés ne conviennent pas. Mais ce n’est pas grave puisque l’important, c’est de voir ce qui a manqué à ce moment-là, pour améliorer le cours suivant. Elle m’a également appris qu’il fallait avoir une vraie rigueur dans la manière dont on présente les choses. Le fond du discours que l’on veut faire passer est intimement lié à la forme que l’on réalise. En l’occurrence, on préparait des cours à des sixièmes, mais on avait quand même une exigence intellectuelle. On arrivait à faire passer aux enfants des choses qui peuvent paraître compliquées, en étant exigeant avec nous-mêmes sur la forme.
En tant que formateur, si vous étiez un personnage de fiction, qui seriez-vous ?
Dale Cooper. C’est l’agent du FBI qui arrive à Twin Peaks pour enquêter sur la mort de Laura Palmer. Il a des méthodes très particulières pour trouver des indices et également une vraie bienveillance à l’égard des gens qu’il côtoie. Parfois il arrive à trouver des choses par hasard.
Le lieu de formation de vos rêves ?
Un espace ouvert, en cercle, un peu comme la table ronde.
Si vous aviez des moyens illimités, que mettriez-vous en place ?
Ce serait formidable si l’on arrivait à participer aux formations des UFR, à faire partie des équipes d’enseignants des différents UFR. Il y a également l’accueil des lycéens à l’université, un passage qui peut être difficile. Il faudrait faire de la prévention dans les lycées, c’est-à-dire, juste avant l’arrivée à l’université, commencer avec les professeurs documentalistes à travailler avec eux sur ce que sera leur environnement de travail dans les années à venir.
Et enfin faire de l’éducation populaire auprès des associations. Il y a une vraie demande des publics, qu’ils soient ou non universitaires. Comment trouver une bonne information? J’ai pu voir que c’était une question récurrente lors de journées de présentation de mon association sur l’indépendance des médias [Un bout des médias] . « Je n’arrive pas à savoir si cette information est bonne ou pas ». « Est-ce qu’une information neutre est une bonne information ? »
Que faites-vous maintenant que vous ne faisiez pas au début ?
Comme je connais très bien les formations, je n’ai plus de support papier, j’ai juste mes exercices, je suis moins contraint par les problèmes techniques. Je peux évoluer dans la salle de manière beaucoup plus détendue et de fait, m’appuyer plus simplement sur ce que disent les étudiants sans perdre le fil conducteur.
Quels conseils donneriez-vous au formateur débutant que vous étiez ?
D’avoir l’esprit un peu comme un kaléidoscope, faire feu de tout bois et ne jamais présupposer que les étudiants savent déjà ce que je leur apprends. Mais ne pas présupposer non plus que, parce que je sais, ils ne savent rien. Ne pas hésiter à avoir un panel d’exemples que l’on ne va pas forcément utiliser, mais qui peuvent être utiles en fonction des étudiants qu’on a devant soi. Je prends un exemple : lors d’une formation, des garçons ont commencé à parler football. Eh bien, pour aborder le montage de l’information, j’ai parlé avec eux du montage d’un match de football à la télévision. À la fin de ce moment d’échange qui n’a pas duré très longtemps, j’ai pu faire le lien avec ce que je voulais leur montrer. Ils se sont rendus compte qu’ils savaient déjà des choses que je leur présentais : soudain, ça devenait moins abstrait. Je pense qu’il faut avoir plein d’exemples, parfois même sur des objets qui peuvent paraître triviaux. Et enfin, rester attentif aux usages. Sans faire du jeunisme, au moins se tenir au courant de leurs pratiques, pour savoir, le cas échéant, de quoi ils parlent.
(Entretien réalisé par Elsa Gabaude et initialement oublié sur le forum FormaBib le 11/04/2021)