Portrait #1 : Vincent de Lavenne
2 minutes pour vous présenter
Je m’appelle Vincent de Lavenne, j’ai fait des études d’Histoire et travaillé dans l’Education nationale. Je travaille au service d’Appui documentaire à la recherche au sein de la direction des bibliothèques de l’université Sorbonne nouvelle depuis juillet 2020. Il y a une composante assez importante de formation dans mon poste puisque nous formons des enseignants chercheurs à l’utilisation de certains outils, notamment HAL.
Les collègues qui s’occupent de la formation des usagers dans notre SCD nous ont aussi invités à intervenir sur les questions liées à la science ouverte auprès des doctorants. Ce sont des formations qu’on fait aussi pour les enseignants chercheurs et auprès des personnels de la bibliothèque. Donc ce n’était pas du tout au départ un poste de formation mais je crois que l’une des choses que j’ai le plus faites cette année, ce sont des formations. Je n’étais pas forcément préparé à ça mais c’était une bonne surprise.
Qu’est-ce que la formation pour vous ?
Je dirais que c’est le fait de mettre des personnes en situation de participer.
Quand on a fait des formations sur la science ouverte à destination des enseignants chercheurs, c’était ce principe : ça portait plus sur un outil technique mais au final c’était l’idée de les mettre en situation de participer à ce mouvement, les mettre en capacité d’agir.
Une technique que vous aimez bien utiliser ?
Plus le temps passe, plus j’utilise des outils. J’ai commencé de manière ultra classique, même sans power point, et avec le temps je me suis dit que les gens allaient s’endormir. Quand on intervient auprès des doctorants, on arrive à la fin de séances de formation de 6 heures, s’ils ne se sont pas endormis, ils ont bien du mérite !… Il fallait faire quelque chose de plus en plus participatif. Les premières fois, vu qu’il n’y avait pas une composante importante de formation dans mon poste, je n’avais pas préparé des supports ou des petits moments interactifs. J’ai toujours du mal à dégager un peu de temps pour faire ça correctement. Des fois, on a essayé d’improviser un peu, mais globalement quand c’est fait au dernier moment ça ne marche pas. Chaque fois, les choses que j’ai essayées et qui me plaisent, ce sont des choses où les gens participent, parce que si on veut mettre des gens en situation d’agir, il faut aussi qu’ils soient impliqués dans le processus de formation. Donc on a fait des espèces de jeux sur les données en mettant sur une slide « est-ce que ça pour vous c’est ouvert ou pas ? » et ça marchait plutôt pas mal (ça a mieux marché d’ailleurs au final que les jamboards ou autres outils qui posaient des problèmes d’accès) ; on participait par chat ou par micro et ça marchait bien. Mais j’ai vraiment envie de tester un peu tout ce que je vois passer en termes de formation : météo émotionnelle, ludification et toutes ces choses-là. Souvent je me suis retenu, parce que j’ai voulu le faire au dernier moment et quelque chose de pas préparé a toutes les chances de passer un peu mal.
Le(s) public(s) préféré(s) ?
Nous avons souvent les mêmes publics : les collègues, les enseignants chercheurs, les doctorants. J’aime tous les publics mais pour des raisons différentes : j’aime bien les collègues parce qu’ils viennent par intérêt et ça a donné des questions professionnelles qui sont très intéressantes et ils parlent de leur expérience. Moi, je viens d’arriver dans le métier donc je suis toujours avide de retours de gens plus expérimentés, qui n’ont pas les mêmes idées que moi et qui ont sans doute une meilleure vue sur le long terme.
J’aime les chercheurs et les doctorants pour leur enthousiasme, ils sont toujours très curieux de tout. Il y a moins le côté “on vient par intérêt” : soit le directeur ou la directrice de labo leur a dit d’y aller, soit ce sont des formations doctorales donc ils doivent s’inscrire pour faire leurs heures à l’année. Ils posent plein de questions, ils sont toujours avides de comprendre mieux le contexte ou de donner leur perspective sur ce qu’on présente. Par contre ça a aussi un défaut pour moi, c’est que leur curiosité est souvent sur le moment de la formation et l’effet à long terme est rarement là, c’est-à-dire que j’ai l’impression sur le moment d’être dans une discussion formidable, qu’ils sont passionnés par ce qu’on présente et en fait derrière si on présente des trucs sur HAL, on se rend compte qu’ils ne vont pas beaucoup plus déposer sur HAL. Donc j’aime bien les formations d’enseignants chercheurs, elles sont toujours passionnantes mais très peu suivies des faits ce qui est un peu frustrant. En formation en tout cas, c’est génial c’est un super public, je le conseille à tout le monde.
Quelle(s) formation(s) a (ou ont) été cruciale(s) dans la construction du formateur que vous êtes ?
Je sors de l’ENSSIB, on avait une super chouette formation à l’innovation par Nathalie Clot qui nous avait fait une sorte de gros mash-up de tous les dispositifs super innovants … C’est ça qui m’avait le plus marqué. Il y en a eu plein à l’Enssib qui étaient chouettes mais celle-là était intéressante parce qu’on nous a montré plein de choses. A la sortie de tout ça je me suis dit que ce n’était pas la meilleure formation que j’ai eue, ni la pire : c’était une formation égale à plein d’autres. Même avec tous ces trucs innovants, il y a possibilité de faire quelque chose de moyen, ce n’est pas une fin en soi. J’ai trouvé ça assez incroyable de faire quelque chose avec plein de trucs pour donner un résultat de formation moyen comme tant d’autres. Du coup au départ, j’étais plus rétif et au final je me dis que si c’est bien préparé et que ça suit le contenu de la formation qui doit toujours primer, ce sont des outils intéressants. Ça me donne envie d’utiliser ces techniques, pour voir si ça apporte un vrai plus pour moi formateur ou pour les formés, ou sinon tant pis, on passe par des moyens traditionnels ! C’est vraiment la formation qui m’a le plus marqué.
En tant qu’animateur, quel personnage de fiction seriez-vous ?
Je ne voudrais pas ce côté très éloquent façon Robin Williams dans le Cercle des Poètes disparus : on n’est pas dans un film et quand on a des gens qui ont fait 7 heures de formations et qu’on leur dit « Sautez sur des tables !!! Renversez vos trucs !! » … Bon…
Je serais un troll qui jongle, quelque chose comme ça. Un truc de livre jeunesse, un monstre de Claude Ponti, quelque chose dans le genre. Ce que je voudrais c’est faire peur au départ (c’est l’idée du troll) et après il jongle. Souvent, on forme sur des sujets où les collègues, doctorants, chercheurs ne connaissent pas grand-chose, ça ne fait pas partie de leur univers, de leurs intérêts généralement non plus et du coup c’est soit des trucs qui font peur, soit des trucs qui ne les intéressent pas du tout. L’idée c’est de partir du fait qu’ils soient un peu effrayés, repoussés au départ ensuite les attirer un peu à nous.
Le lieu de formation de vos rêves ?
Pour l’instant, je dirais n’importe quel lieu physique. Pour des chercheurs j’adorerais toujours le faire dans l’endroit où ils recherchent. En visio, je trouve qu’on a une distance exacerbée avec les gens. Mais même si on fait venir les gens dans les locaux de la bibliothèque il y a toujours une distance ; alors j’aimerais bien me déplacer dans l’environnement précis des gens pour leur dire « je vois comment vous travaillez, je peux comprendre un peu mieux et peut être que ma formation sera un peu plus pertinente » mais ça nécessiterait l’ubiquité parce que s’il y a 25 personnes il faudrait être dans 25 lieux en même temps !
Si vous aviez des moyens illimités que mettriez-vous en place ?
Moi je fais des formations à 0 euros, donc je ne me suis jamais posé la question que former pouvait coûter de l’argent. Je n’ai encore jamais rien demandé même pour un feutre ou pour un tableau alors que j’adore faire des dessins et des schémas. A la limite, quand on fait des formations à des outils, je voudrais juste une salle avec des ordinateurs où tout le monde pourrait y être, ce serait déjà beaucoup. Ne serait-ce qu’un système informatique qui permette à chacun d’accéder à l’outil pour lequel on est en train de les former au moment de la formation. Et puis des trucs un peu rapides parce qu’on a un internet catastrophique chez nous en plus. Ça, ce serait bien, de l’internet et des ordinateurs ! Ce qui est terriblement banal quand même comme réponse. Donc on pourrait rajouter des chiens aussi. Plein d’animaux, ce serait chouette, ça détend ! Il y a des chiens qui circuleront dans la pièce et on pourra les caresser quand ils circuleront dans la pièce.
Qu’est-ce que vous faites maintenant que vous ne faisiez pas au début ?
L’aspect participatif. En visio, c’est vraiment le truc participatif que je ne faisais pas du tout au début. A 20, 25 participants, je trouve que c’est vraiment très important de faire en sorte que les gens puissent faire un retour. C’est assez précieux.
Avant je ne mettais pas non plus mes présentations en Creative Commons, ce qui est très mal. Je le fais maintenant tout le temps.
On n’enregistrait pas, non plus. Maintenant on le fait de temps en temps car il y a pas mal de moments réutilisables ou re-visionnables, même si je ne suis pas persuadé que les capsules vidéo soient très consommables. Et de plus, elles ne permettent pas de recueillir un retour.
Quel(s) conseil(s) donneriez-vous au formateur débutant que vous étiez ?
Essayer des nouvelles choses plus vite. Je trouve que ç’aurait été beaucoup mieux d’essayer de « pimper » mes formations plus rapidement ; j’étais aussi parti du principe que l’université était un contexte très sérieux, très cadré. En fait je pense que tout le monde a tellement été fatigué des visios interminables qu’une petite blague, un sourire et des choses un peu différentes et participatives de temps en temps, ça ne faisait pas de mal. Comprendre le contexte dans lequel on est, comprendre ces marges de liberté, ça a vraiment été le côté agréable de la pandémie pour moi : on n’avait pas d’autocensure, pas de contrôle, donc on avait une grosse liberté créative. Peut-être qu’on se serait moins autorisé de choses dans un autre contexte, ce serait bien de garder ça maintenant. C’est intéressant de continuer à tripatouiller un petit peu la formation à droite et à gauche pour la rendre plus intéressante.
(Entretien réalisé le 1er juin 2021)