Portraits de formateurs

Portrait #9 : Valérie Mariot

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2 mn pour vous présenter

Je m’appelle Valérie Mariot, je suis responsable Collections et services de la bibliothèque de l’IUT de Troyes. Je suis à l’université de Reims depuis 2002 et responsable de cette bibliothèque depuis 2012.

Je suis formatrice depuis 2006 et je viens d’une formation à l’origine de DUT informatique-statistiques avec une année spéciale Documentation d’entreprise. Donc je suis plus un modèle documentaliste que bibliothécaire, plus intéressée par l’information que par le document en soi, moins le livre et plus l’information ; je pense que ça fait vraiment partie de mon ADN et ça se ressent pour beaucoup de choses.

Je n’ai pas commencé en faisant de la formation mais je bossais en école d’ingénieurs et il y a avait quand même un peu quelque chose de ça dans le lien direct avec les étudiants et les enseignants et plus sous la forme de rendez-vous individuels. Et puis, je viens vraiment de la documentation d’entreprise donc ça veut dire qu’on avait cet aspect-là, de répondre aux besoins. C’est une approche très différente en fait de l’approche des bibliothécaires. C’est quelque chose que je n’ai jamais perdu, c’est ce qui me sert le plus.

Je suis ce qu’on appelle une « formatrice mobile » au sein de l’université c’est-à-dire que je fais partie des experts pour la formation en veille et en brevet et donc à partir du moment où on a une formation veille/brevet, c’est pour moi. Chez nous, c’est 1600 étudiants, 6 départements plus quelques diplômes qui sont un peu anecdotiques. Je forme dans tous les départements et donc, pour 1600 étudiants, j’ai 1300 formés par an. En plus j’interviens pour les autres IUT.

Je suis référente pour les formateurs d’IUT et je forme aussi les doctorants sur le brevet (interrogation des brevets d’invention). C’est vraiment là où j’interviens le plus : brevet et veille technologique ; c’est vraiment mon domaine. D’un autre côté, je vis avec un ingénieur depuis la nuit des temps et j’ai un fils ingénieur aussi, donc je suis branchée avec le circuit industriel très rapidement et j’ai la chance d’avoir aussi beaucoup d’exemples. Je suis aussi vacataire pro pour les métiers du livre et bibliothèque où j’ai des cours de technique rédactionnelle et des cours de technique documentaire.

Qu’est-ce que la formation pour vous ?

L’échange. Le partage de savoirs mais dans les deux sens. Et surtout ne pas garder cette posture qu’on a eue pendant des années de « je sais, vous ne savez rien » qui est juste insupportable. Donc, oui, cet échange, ce partage de savoirs des 2 côtés de la barrière.

 Je pense qu’on apprend aussi beaucoup des étudiants. Il faut une grosse base de modestie quand on est formateur et ne pas penser qu’on détient la science infuse.

Quoi d’autre ? L’innovation péda ! Pour avoir le plus d’interactions possibles, l’intérêt des deux côtés de la barrière.  Si l’étudiant n’est pas intéressé, la remédiation systématique et l’acceptation de la critique parce que c’est ça qui te fait avancer en fait.

Une technique que vous aimez bien utiliser ?

Plein ! Parce qu’on a des conditions différentes en fonction de la taille des groupes, en fonction des publics, en fonction de ce que l’on cherche et en fonction souvent de ce dans quoi ça prend ancrage. C’est-à-dire, avec un amphi de 250 étudiants comme ça m’est arrivé l’année dernière sur la veille, il y a des techniques que tu peux mettre en place sinon tu les perds tout de suite. Donc, là on va plutôt être sur des choses comme Wooclap.

Quand on est sur des plus petits groupes, c’est hyper important de prendre un peu la température et moi j’utilise énormément  soit la technique du post-it, soit la technique du parler sur une image. La technique du post-it va permettre un petit peu de cadrer, de voir l’état des connaissances ou au contraire des mauvaises compréhensions des choses. Quand tu as un groupe d’une trentaine d’étudiants c’est cool, ça va vraiment plus vite. Quand ce sont des plus petits groupes, j’utilise plutôt la technique de parler sur une image : je prends une quarantaine d’images, je leur demande d’en choisir une et de m’expliquer pourquoi ils ont mis en relation le thème de la formation et cette image. Dès lors que tu fais ça, tu te rends compte que, même s’ils ont l’impression de ne rien savoir, ils savent toujours quelque chose et ça te permet de voir l’état de connaissance (ou de non-connaissance, d’ailleurs) d’un groupe et de pouvoir capitaliser là-dessus. Ça permet de créer tout de suite une situation de discussion et d’échange, je trouve.

On va tester plein de choses cette année, ça va être trop cool.  

On va utiliser la technique du jig-saw. En gros, tu crées les groupes, tu en sors des experts, tu les réunis ensuite tu les réinjectes dans les groupes. Du coup, dès le départ, tu mets les étudiants dans des situations d’échange sur des compétences ou des connaissances qu’ils ont déjà, ce qui permet de tout de suite d’agrandir le seuil de connaissance générale ; ensuite tu peux recapitaliser ça au sein d’un groupe de projet.

Quoi d’autre ? le speed boat, pour évaluer les blocages qu’on peut avoir en cours de projet et ce qui pousse ou ce qui contraint. Pour obliger les étudiants à faire de l’auto-analyse de leur projet. Majoritairement nos formations sont raccrochées surtout en 2e et 3e année à un projet. Du coup c’est beaucoup plus facile de bosser parce que c’est de la co-construction avec nos équipes enseignantes et il y a une application immédiate.

Vous avez plusieurs séances ensemble ?

Oui pour deux de nos formations, les Génie mécanique et productique (GMP) et les Carrières juridiques. Aujourd’hui en Carrières juridiques, au minimum, on en est à 14h en 1ere année et ensuite on les a à nouveau en 2e année et en 3e année ; ça doit être en tout un volume horaire d’une vingtaine d’heures sur la totalité du cursus et par groupes de TD.

Pour les GMP, c’est quasiment la même chose ; on est en plus dans du projet industriel ce qui permet de mettre en place des choses très différentes : c’est là qu’on va injecter les jig-saws, le speed boat et compagnie. Et puis autrement dans certains cas il y a aussi de l’APB (Apprentissage par Problème).

C’est pour ça que c’est difficile pour moi de dire que j’utilise une technique. Parfois ce sont DES techniques que je brasse mais qui s’inspirent toutes quand même joyeusement du brainstorm.

Je pense qu’il y a un enjeu majeur à faire parler les étudiants entre eux sur leurs projets, c’est beaucoup plus efficace. Et je mets parfois aussi les étudiants en situation de présentation à ma place, c’est-à-dire que je présente en gros quelque chose et je leur fais faire les recherches ; ce sont eux qui expliquent aux autres comment ils ont fait pour trouver, ce qu’ils ont rencontré comme difficultés, du coup c’est beaucoup plus rapide car c’est d’étudiant à étudiant. Ça permet en très peu de temps de présenter quasiment l’intégralité de la recherche documentaire qu’ils auront à faire personnellement dans tous les cas qu’ils vont rencontrer. C’est une autre approche. Je ne sais pas comment je pourrais le nommer ce truc là car je ne pense pas vraiment qu’il y ait de nom mais je reste persuadée que l’apport par l’étudiant est au moins aussi efficace, voire plus efficace que nos propres apports à nous.

Le(s) public(s) préféré(s) ?

Les GMP (Génie Mécanique et Productique) et majoritairement les profils qui viennent des sciences de l’ingénieur. Simplement parce que je suis dans un terrain hyper connu, et puis c’est des publics qu’on ne penserait pas très efficaces en recherche documentaire en première intention mais en réalité qui sont souvent déjà hyper ouverts en formation dès lors que ça leur sert. Je pense qu’il faut qu’on arrête de faire de la formation pour de la formation. C’est des publics qui sont intéressants, qui souvent se creusent beaucoup la tête et qui sont très critiques dans le bon sens du terme. Ils vont faire un retour donc ils sont aussi quelque part un peu co-constructeurs de ce qu’on fait.

Donc oui, ces publics-là sont des publics que j’adore.

Il y a aussi le fait que lorsqu’on commence à parler composites moi je suis à l’aise : c’est l’avantage de ne pas venir du littéraire, je ne dis pas qu’il faut qu’on l’on soit du scientifique mais je reste persuadée que des bibliothécaires, des formateurs qui viennent du monde de la littérature ça ne le fera jamais sur ces publics-là. Pas si on veut aller dans la profondeur.

Là j’étais aux soutenances, parce qu’on participe du début jusqu’à à la fin (on a même coconstruit certains enseignements avec des enseignants). Donc les interactions en IUT ça peut aller jusque-là si ça se passe très bien. Tu arrives le matin, t’es gonflée d’énergie, tu vas croiser un prof qui te dit  « j’ai une idée » et là  dans ma tête c’est comme les machines à calculer : je commence à penser en nombre d’heures de formation  qu’il va y avoir derrière. Tu n’as pas besoin d’aller chercher, c’est eux qui viennent te chercher et je vais dire un truc qui est absolument dingue : aujourd’hui, mon problème n’est pas la formation, c’est le trop-plein des formations  parce qu’on a encore des volumes horaires qui vont exploser l’année prochaine. Je pense qu’il n’y a pas beaucoup de formateurs qui peuvent dire ce genre de choses mais nous oui, c’est de cet ordre-là. Donc être formateur chez moi c’est hyper cool.

Le meilleur souvenir et le pire souvenir de formation ?

Mon pire souvenir de formation c’est un groupe qui m’a claqué dans les doigts.

J’ai senti dès le départ qu’il y avait un truc qui n’allait pas et ils en sont quasiment venus aux mains. Rien à voir avec la formation : il y avait un problème qui s’était produit avec un prof dans un autre cours juste avant moi où les étudiants ont eu une réaction complètement opposée. A un moment je me suis retrouvée avec des étudiants qui se criaient dessus. Je peux dire qu’entre le début et la fin de la formation, il ne s’est rien passé. Sinon, cette impression que ça allait m’exploser au visage pour des raisons que je ne maitrisais pas. C’était très déstabilisant, en fait.  

Donc il y a eu celle-là et il y en a eu une qui je pense à été hyper formatrice pour moi (mais ce n’est pas mon pire souvenir) quand j’intervenais comme vacataire pour une école d’ingénieur.  La directrice avait appelé pour trouver un intervenant en remplacement d’urgence et mon premier sujet avec eux était un truc hyper fun pour des doctorants : l’encadrement juridique de la thèse ; le tout avec des étudiants d’origine étrangère où on allait parler de Droit français. Ok super. Et je ne sais pas pourquoi, au moment de partir je me suis dit : vu la complexité du sujet, je vais quand même imprimer mon PowerPoint avec des zones de commentaire pour qu’ils puissent prendre des notes. Et j’ai bien fait parce que quand je suis arrivée là-bas, je n’avais pas de vidéo projecteur donc j’ai fait une formation sur le droit de la thèse pendant 3 heures sans support du tout, en free style ! Et après ça, je me suis dit : rien de moche ne peut m’arriver, c’est bon, tout est facile.

La meilleure, c’est très bizarre car c’est une formation qui a complètement vrillé dans un certain sens mais qui était la plus sympa je pense, c’était avec des étudiants de MMI (Métiers des Multimédias et de l’Informatique), sur la validation de l’information. Donc tu te dis a priori ce sont des étudiants qui maitrisent absolument bien le web etc.  …et pas tant que ça en réalité ! Quand tu commences à parler moteur de recherche, ce n’est pas si évident en fait et avec ce groupe-là, il y a eu vraiment un débat et un échange super intéressant sur un moteur de recherche, sur comment cela fonctionne, et ça s’est emballé. Au bout d’un moment j’ai dit on va passer à la partie pratique et m’ont dit « bah non ». Ils ont pris leurs chaises, ils se sont mis tout autour de moi, c’était très cool et on a fait toute la formation par échange. Il n’y a pas eu de pratique avec Google, rien du tout mais en réalité on a peut-être presque plus échangé et ils sont partis avec plus de choses dans leurs bagages peut être que dans une formation normale donc c’était… curieux et super intéressant.

Quelle(s) formation(s) a (ou ont) été cruciale(s) dans la construction du formateur que vous êtes ?

Alors, il y a un moment dans ma carrière où je ne me retrouvais plus dans la formation. Vraiment. Je me posais plein de questions. On était sur cette fameuse posture de l’enseignement ancienne génération : toi sur ton podium, les étudiants t’écoutant religieusement… Et à un moment, je ne me suis plus du tout reconnue dans ce genre de formule-là. Je n’arrivais plus à adhérer au truc et c’est un moment où je me suis dit « Ok, soit je trouve une solution soit j’abandonne la formation ». À ce moment-là, j’ai demandé à faire une formation avec deux personnes que je trouve extraordinaires : une qui s’appelle Hélène Bourgeois et une qui s’appelle Hélène Weber. Hélène Weber, en plus, a une connaissance extrêmement fine du milieu universitaire et des étudiants en particulier et donc cette fille est juste extraordinaire. Il y a eu 2 formations sur la formation innovante et active et ça a changé ma vie. Je pense qu’en fin de compte ça a répondu à un besoin très immédiat et que ça a été déterminant pour la suite de ma mission de formatrice. Et après ça, je n’ai jamais souhaité revenir en arrière, c’est mort !

Il y a toujours eu quelque chose dans l’innovation pédagogique qui m’a fait franchir des gaps. C’est me former qui me permet de m’éclater dans ce que je fais. Les JNF y contribuent d’ailleurs !  Ce partage d’expérience, ça te donne de la force.  J’en parlais hier à des étudiants puisque j’étais en conseil de perfectionnement et je leur disais que la force des bibliothèques, c’est ça : c’est les réseaux. C’est de dire on se réunit pendant deux jours et on met sur la table tout ce qu’on fait, comment on le fait… parce que tu en ressors, t’es gonflé à bloc !

Donc oui cette formation-là, en tant qu’apprenante ça a été déterminant dans la suite des événements, surtout que c’était une formation en distanciel sur un temps long et donc ça permettait d’expérimenter vraiment des choses, c’était hyper cool, et dans cette formation il y avait aussi la dimension de la posture du formateur. Donc oui, je pense que c’est ça, plus que toutes les autres.

Comment abordez-vous la question de l’IA ?

Venant du monde de l’informatique, c’est sans doute plus facile. Il y a des choses que tu n’oublies pas quand tu viens de ce monde-là et du coup, je pense que j’aborde ça plus facilement que beaucoup d’autres. En tout cas, je ne suis pas hermétique à l’IA, c’est clair. En revanche, je suis quelqu’un qui est très consciente depuis le départ.

En fait quand je l’ai vu arriver ce truc-là, je me suis dit « Whoaaaaa… ».  Dans la partie technique, il y a un gap qui a été passé, c’est évident : techniquement parlant, c’était un truc qui n’existait pas.  Après ce n’est pas nouveau, ça fait des dizaines d’années que l’IA est intégrée mais les gens ne s’en rendait pas vraiment compte. Mais ce qui m’a fait tout de suite très très peur (enfin.. peur avec beaucoup de guillemets, parce que je suis quelqu’un de très enthousiaste là-dessus aussi) c’est l’enflammement qu’il y a eu autour de ça, le côté très feu de paille. Quand tu vois les chiffres et que tu te rends compte qu’ils ont obtenus en deux mois le nombre de comptes que Netflix a mis trois ans à obtenir, ça fait tout de suite très peur en fait. Le problème c’est qu’on a mis l’IA dans les mains de gens peu ou pas formés, en gros c’est comme si tu mettais une Ferrari dans les mains d’un gamin qui n’a jamais appris à conduire. J’ai tout de suite pris conscience qu’il allait falloir passer par ça de toute façon mais je me suis dit qu’il allait falloir qu’on prenne un peu de recul aussi.

Tout de suite, il y a un truc qui m’a intéressée c’est la génération des mots-clés et des équations de recherche, ce qui correspond exactement à un des problèmes que peut avoir un étudiant. Quand tu lui parle de mots-clés ça ne lui dit rien. Il va te pondre deux mots-clés et encore, il n’arrivera pas à transcrire en concepts la recherche et ça, l’IA le fait très bien. Donc, pour le coup, ça on l’a testé grandeur nature et c’était dans la soutenance de GMP. On leur a demandé de travailler avec des mots-clés qui sont générés par une IA qui va venir piocher dans des moteurs de recherche de brevets et de coupler cela avec une recherche de mots-clés liés au projet industriel.  Dès le départ ils devaient être super méfiants sur ces IA puisque comme c’est un projet recherche et développement c’est de l’Open innovation pour une vraie entreprise, il y a donc un problème de confidentialité des données et confidentialité du projet : ça permettait aussi facilement d’alerter sur le risque aussi que des données de l’entreprise filent on ne sait pas trop où. Et donc c’était assez simple d’amener l’IA par ce biais sur ce projet-là.

Ensuite, sur la composition du corpus, quand tu expliques à un étudiant que la majorité du corpus de Chat GPT vient de Reddit, ben ça allume tous les clignotant chez eux. Donc c’est pas vraiment intégrer entièrement de l’IA dans le projet, c’est saupoudrer de l’IA et surtout des points d’attention à avoir sur cette IA.

Quand ils travaillent sur les mots-clés, ils testent un outil d’IA ou plusieurs ?

Alors j’ai lancé ça en octobre de l’année dernière donc il y a beaucoup d’outils aujourd’hui qui n’existaient pas ou qui n’étaient pas encore suffisamment avancés et en particulier CoPilot qui n’était pas encore au point, Gemini n’existait même pas donc en réalité, chat GPT a été assez naturel. Je ne sais pas comment on va faire cette année, peut-être qu’on va intégrer quelque chose mais de toute façon il n’y a pas d‘enjeu en fait.

En tant que formatrice, quel personnage de fiction seriez vous ?

Michele Pfeiffer dans « Esprits rebelles » ! Pour le côté proche et aidant. Ce que je trouve intéressant dans ce personnage, c’est le côté bienveillant, tout en voulant les résultats parce que ça tient compte des personnalités aussi, des personnes que tu formes. C’est ce côté-là, le côté un peu empathique et le côté guider avec bienveillance vers une amélioration de l’étudiants mais dans le bon sens du terme, une bonification de ses compétences, pas plus.

En tant que formateur, je trouve que c’est suffisant. Après j’aurais pu dire aussi celle qui … une ancienne actrice qui jouait… elle est un peu folle dingue, les cheveux un peu roux… c’était un titre « Back to je sais pas quoi »… bon bref. Mais c’était le même esprit : de faire réussir. C’était une enseignante dans un lycée ou un collège dans des zones difficiles et qui prenait les choses avec détachement et avec humour. Le côté humour. Il ne faut pas se prendre au sérieux quand t’es formateur. Il y a un enjeu, oui, mais il ne faut pas se prendre trop au sérieux.

Michelle Pfeiffer en pleine séance sur les mots-clés

Le lieu de formation de vos rêves ?

Des forêts. Un jardin ou une forêt.

Un truc que l’on veut faire sur le GMP, par exemple, c’est leur mettre une séance, la toute première, sans ordinateur ni téléphone parce qu’on veut les obliger à discuter mais dans l’absolu, moi je voudrais même les expédier ailleurs. J’aimerais pouvoir transposer ça dans la nature. Quand tu vas marcher, ça génère de la création, de la réflexion, et donc j’adorerais pouvoir faire ça : libérer mes étudiants dans la nature dans un premier temps. Donc oui, une forêt ou un jardin.

Je viens de ce monde-là, en fait. Je viens d’une petite ville mais mes grands-parents habitaient dans un village et j’ai eu la chance d’être élevée dans une immense propriété, une école agricole où ils travaillaient. Personne ne savait où j’étais du matin au soir. Aller lire en haut des tilleuls, c’est un souvenir d’enfance extraordinaire, c’est quelque chose que je voudrais que tout le monde puisse vivre. Le fait d’entendre un oiseau ou le bruissement des feuilles, ça change des perspectives, ça adoucit des choses ; tu te concentres sur une abeille, tu te concentres sur un oiseau… Je suis hyper active donc c’est quelque chose qui m’a posée, vraiment. Si tu me poses dans la nature, normalement, ça va se calmer. Si tu me mets dans des environnements trop stimulants, je peux surréagir à des choses, des situations peuvent me faire flamber littéralement. La nature ça m’a toujours calmée, apaisée. Le bruit de l’eau, le bruit des feuilles dans les arbres… Moi quand je ne vais pas bien c’est tout de suite la forêt, et le bord de l’eau parce que c’est ce qui m’a construite. Donc je me suis toujours dit que si ça arrivait à faire baisser la pression chez quelqu’un comme moi, ça doit pouvoir apaiser tout le monde.

C’est propice, pour des gens hyper actifs, à la rêverie. Mais qui dit rêverie dit ton cerveau fonctionne comme il veut et c’est souvent propice à des idées qui émergent.

Si vous aviez des moyens illimités que mettriez-vous en place ?

Je ne sais pas.

Peut-être qu’un jour, si j’avais vraiment de gros moyens, je développerais le jeu numérique, celui qu’on a fait en Droit du numérique en version cartes ; je le transposerais en version vidéo pour qu’il soit utilisable par tout le monde, par la communauté parce qu’en l’état, on ne peut pas le faire. On ne peut même pas le proposer à Zenodo simplement parce que si on le dépose sur Zenodo, une fois qu’il sera sorti, comme c’est quelque chose qui sera évalué, il suffit qu’un étudiant croise ce truc-là et c’est mort. Ça a été un boulot de fou parce qu’il y a un an et demi de travail. C’était une collaboration avec 11 IUT, à la fois des enseignants d’IUT en Droit et leurs bibliothécaires donc ça vaut le coup vu ce qu’on a fait.

Sinon, au bout du compte, avoir beaucoup d’argent, je ne suis pas sûre que ça changerait vraiment ma façon de de faire. Peut-être qu’on soit un petit peu plus nombreux en formateurs chez nous ? Donc non… je crois qu’on peut faire de la super formation avec 3 bouts de rien mais ce projet de vidéo est toujours dans les tuyaux.

Qu’est-ce que vous faites maintenant que vous ne faisiez pas au début ?

Je laisse plus la parole aux étudiants, ne serait-ce que parce qu’en 2006 on débutait dans la formation, on n’était pas forcément bons je trouve. Enfin, on était bon pour l’époque où on l’a fait mais… si tu compares avec aujourd’hui, il y a un gap tout de même énorme. Le fait de beaucoup plus favoriser les échanges entre étudiants aussi. Je trouve qu’il n’y a rien de mieux pour faire avancer quelque chose qu’un étudiant présente ce qu’il a dans la tête à un autre étudiant. Ça ouvre les esprits, ça ouvre les champs et ça ouvre des pistes de travail.

Quel(s) conseil(s) donneriez-vous à la formatrice débutante que vous étiez ?

De se former car ce n’est pas intuitif. Et dès lors de réfléchir si oui ou non c’est quelque chose qui lui convient. Moi j’ai toujours eu ça, quelque part. Mais d’un autre côté, ce que je fais dans ma vie perso, c’est complètement cohérent en fait : je suis officielle de compète, j’ai toujours été dans l’associatif depuis que j’ai 12 ou 13 ans donc l’échange fait partie de mon ADN.

À un formateur, si ce n’était pas moi, je lui conseillerais de se demander si vraiment il en a envie. Je ne pense pas que ce soient des qualités naturelles chez tout le monde et, pour certains, ça peut être une immense souffrance. Imposer à quelqu’un de devenir formateur quand tu n’as aucune appétence pour le public, c’est stupide. Et si c’était à moi : de ne pas attendre pour changer ma façon de faire. Avoir plus rapidement cette réflexion que j’ai eue sur « je n’ai pas envie d’être un formateur qui en impose, j’ai pas envie d’être celui qui est sur le podium et qu’on écoute stupidement », juste raccourcir ce temps avant de faire un truc qui m’éclate vraiment.

Un dernier mot pour la fin ?

Juste que c’est hyper épanouissant d’être formateur. Dans des bonnes conditions, ça peut réjouir le cœur, je trouve. En tout cas chez moi, sûr ! ça fait partir de ce que je préfère. Il y a même un moment où j’ai pensé tout arrêter et partir dans le privé et ne faire que ça. Où j’ai pensé préparer ma retraite en créant un truc d’entreprenariat pour préparer le fait que je ne parte pas en retraite. Je suis quasi sûre que je vais revenir en tant qu’intervenant après. Oui, je pense que ce sera un déchirement de quitter la formation. Il faut que je pense ça autrement :  L’enthousiasme que j’ai tous les matins à faire de la formation.

(Entretien réalisé le 26 juin 2024)

Anne Guichard-Cazenave

Responsable du service de Formation des Usagers au SCD de l'université Paris I Panthéon-Sorbonne. Formations, rock'n roll & biquettes

Une réflexion sur “Portrait #9 : Valérie Mariot

  • Mariot Valérie

    Un immense merci pour le temps passé avec toi gente dame. Et merci d’avoir si bien fait transparaitre l’enthousiasme même si j’hésite sur le terme. Sans doute que « un grain de folie assez prononcé » serait plus adapté. La prochaine fois c’est moi qui te passe à la question.
    A très bientôt.

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